Ephemeris II



We do not grow absolutely, chronologically. We grow sometimes in one dimension, and not in another; unevenly. We grow partially. We are relative. We are mature in one realm, childish in another. The past, present, and future mingle and pull us backward, forward, or fix us in the present. We are made up of layers, cells, constellations.

Anaïs Nin, The Diary of Anaïs Nin, Vol. IV, 1971






Impressions encres pigmentaires sur papier coton clouées,
tasseau de bois calciné 115x2,5x4 cm



*2013-2014
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Du grec ancien ἐφημερίς qui signifie "de chaque jour", "Ephemeris" est le nom latin d'éphéméride, terme propre à la page d'un journal, qui recense ou rappelle à une échelle de temps donnée, des événements du monde ou d'un territoire. Le terme est plus particulièrement utilisé pour un ouvrage contenant les positions d'astres à intervalles réguliers ou pour un calendrier dont on déchire chaque jour une feuille.

Ce travail a vu le jour suite à des déclenchements photographiques quotidiens, à un moment de bascule entre le déclin glaçant de mes grand-parents et les premières années de mon enfant. Les images se sont littéralement amoncelées. Les jours, les mois se sont confondus, enchevêtrés, effilochés. Contrairement à un journal, la chronologie s'est perdue. Jorge Luis Borges écrit qu'il «parait impossible d’énumérer, de suivre l’ordre des jours; mieux vaut chercher son éternité, ses répétitions». Observer les restes. La recherche d’un fragment de mémoire donne la possibilité de poser un entre-deux sur un état donné. Entre présence et disparition, il reste une trace parfois indicible, parfois infime. Un document fragile, un détail, un lieu, un instant furtif, un élément saillant. L'expérience vécue entre alors en résonance avec une mémoire tellurique, avec un temps qui nous échappe et qui n'est pas celui du temps de la conscience, mais qui appartient plutôt à une dimension inconcevable dont on peut faire l'expérience au travers de cette mémoire de la nature, des astres. "Éphémère est le mot qu'utilisaient les Grecs pour parler de la condition des hommes. Les hommes apparaissent pour disparaître, "comme des ombres ou des fumées" écrit Jean-Pierre Vernant. Sur un plan plus métaphysique, la mémoire porte cette ouverture sur un au-delà de la mort. Elle rappelle la mort tout en la contredisant, en l'empêchant d'être effective. Chargé d'ellipses et des silences, ce travail photographique interroge les notions de temps, de permanence et de perte par les entrelacs d'images-poussières, tel un sujet de conversation infini...
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