// 06.2014
En une année, la terre reçoit 2000 tonnes de poussières cosmiques, grains de comètes et d'astéroïdes.
En une année, un grand grenier se recouvre d'un infime manteau de quatre milligrammes de poussières d'étoiles.
Un visiteur, recherchant en ces lieux calmes et silencieux la découverte d'un fragment de mémoire, repart en emportant sous ses semelles cette poudre ténue venue d'espaces infiniment lointains et immémoriaux.
Ces infimes particules carbonnées sont peut-être l'écho de leurs semblables, tombées sur la terre voici quelques milliards d'années, et qui essaimèrent le vivant sur notre petite planète.
Anne Deguelle,
Ces infimes particules, installation, 2004
// 06.2014
// 05.2014
Certains murs vous incitent à demander : qu’y a-t-il de l’autre côté ? Ces murs-ci ne décrivent que leur propre limite. Ils vous saisissent, mais ne vous demandent rien.
Joseph Kosuth
// 05.2014
Certains murs vous incitent à demander : qu’y a-t-il de l’autre côté ? Ces murs-ci ne décrivent que leur propre limite. Ils vous saisissent, mais ne vous demandent rien.
Joseph Kosuth
// 05.2014
Je pense que l’ordre chronologique est inapplicable à Carriego, cet homme dont la vie ne fut que conversations et promenades. Il me parait impossible d’énumérer, de suivre l’ordre de ses jours; mieux vaut chercher son éternité, ses répétitions. Seule une description intemporelle amoureusement lente, peut nous le restituer.
Jorge Luis Borges
// 05.2014
// 05.2014
// 05.2014
// 05.2014
We do not grow absolutely, chronologically. We grow sometimes in one dimension, and not in another; unevenly. We grow partially. We are relative. We are mature in one realm, childish in another. The past, present, and future mingle and pull us backward, forward, or fix us in the present. We are made up of layers, cells, constellations.
Anaïs Nin
Les rochers sont les os du ciel et de la terre.
Guo Xi, Linquan gaozhi
// 05.2014
// Monument à Georges Perec
Monument à Georges Perec est un projet participatif initié par Anne Deguelle sur La Disparition. Ce roman écrit en 1969 est en lipogramme, c'est-à-dire qu'il ne contient pas une seule fois la lettre "E". Le roman lui-même parle de cette disparition, mêlant donc forme et fond. Perec était membre de l'Ouvroir de littérature potentielle, l'Oulipo.
"La vision du tapis lui causait un mal troublant. Sous l'amas d'illusions qu'à tout instant son imagination lui dictait, il croyait voir saillir un point nodal, un noyau inconnu qu'il touchait du doigt mais qui toujours lui manquait à l'instant où il allait y aboutir. Il continuait. Il s'obstinait. Fascination dont il n'arrivait pas à s'affranchir. On aurait dit qu'au plus profond du tapis, un fil tramait l'obscur point Alpha, miroir du Grand Tout offrant à foison l'Infini du Cosmos, point primordial d'où surgirait soudain un panorama total, trou abyssal au rayon nul, champ inconnu dont il traçait l'inouï littoral, dont il suivait l'insinuant contour, tourbillon, hauts murs, prison, paroi qu'il parcourait sans jamais la franchir ..."
// 04.2014
// Essais
// 04.2014
// 04.2014
Le temps avait des murs à franchir : ils ne sont plus là. Et si la mort arrivait, elle passerait inaperçue
comme la naissance.
Silvia Baron Supervielle , Journal d’une saison sans mémoire
// 04.2014
// 03.2014
1940
22 février
L’intérêt de ce journal est peut-être la repullulation imprévue d’idées, d’états conceptuels, qui, par elle-même, mécaniquement, marque les grands filons de ta vie intérieure. De temps en temps tu cherches à comprendre ce que tu penses, et seulement après coup, tu cherches à en trouver les correspondances avec les jours anciens. C’est l’originalité de ces pages : laisser la construction se faire d’elle-même, et la placer objectivement devant ton esprit.
Il y a une confiance métaphysique dans ce fait d’espérer que la succession psychologique de tes pensées puisse prendre figure de construction.
Cesare Pavese , Le métier de vivre
// 03.2014
Tout ce que nous lisons et entendons, nous recouvre comme une nappe, nous entoure et nous enveloppe comme un milieu : c'est la logosphère. Cette logosphère nous est donnée par notre époque, notre classe, notre métier : c'est une "donnée" de notre sujet. Or , déplacer ce qui est donné ne peut être que le fait d'une secousse ; il nous faut ébranler la masse équilibrée des paroles, déchirer la nappe, déranger l'ordre lié des phrases, briser les structures du langage (toute structure est un édifice de niveaux).
Roland Barthes, Bruissement de la Langue, dans Brecht et le discours, 1975
// 03.2014
// 03.2014
// 03.2014
// 03.2014
// 03.2014
// 02.2014
// 02.2014
// 02.2014
// 02.2014
// 02.2014
// 02.2014
Les morceaux de vide qu'on franchit sur la digue, on ne les aperçoit pas. Ce qui manque s'entasse à l'intérieur. On ne voit rien. C'est pour ça qu'on passe, et qu'on recommence ensuite ; on sent que c'est préférable à ce qui meurt.
Ludovic Degroote, La digue
// 02.2014
Il y a peu d'événements qui ne laissent au moins une trace écrite. Presque tout, à un moment ou à un autre, passe par une feuille de papier, une page de carnet, un feuillet d'agenda ou n'importe quel autre support de fortune (une ticket de métro, une marge de journal, un paquet de cigarettes, le dos d'une enveloppe, etc) sur lequel vient s'inscrire, à une vitesse variable et selon des techniques différentes selon le lieu, l'heure ou l'humeur, l'un ou l'autre des divers éléments qui composent l'ordinaire de la vie.
Georges Perec, Espèces d'espaces
// 02.2014
// 01.2014
S’immobiliser. Épouser la lenteur des choses, disait-il. Perdre la voix et ce qui va avec.
Convoquer les ombres pour en tirer une lumière. Peu importe ce qu’elle révèle. L’important tient dans ce presque rien ¬ un silence, un bruit de pages
et, de l’un à l’autre, la navette du désir
Jacques Ancet, Comme si de rien
// 01.2014
// 01.2014
Peu d'étale des choses, de transparence entre elles, rien qui tienne hors de notre regard, la digue on la fait hors de tout, ça n'est qu'au-dedans que les choses apparaissent, par pans, par bouts, et c'est de là qu'on les croit isolées, alors que les espaces ne sont disloqués qu'en nous.
*
On trouve parfois des choses à voir quand on regarde autour ; c'est à propos de soi que ça laisse le moins dire, on essaie pourtant de se tenir hors du reste : on a des passages en soi, d'autres à côté, et on tâche de s'en sortir comme ça, ou bien on se dit qu'on s'en sort pas - au fond d'ailleurs on n'est jamais sûr d'être entré quelque part.
Ludovic Degroote, La digue
// 01.2014
Il y a une ombre. On dit : ombre, faute d’un autre mot. Pour donner forme à ce qui n’en a pas. On pourrait dire tout aussi bien : compagnon ¬ « ce latent compagnon qui en moi accomplit d’exister » écrivait Mallarmé. Mais ombre est moins net, plus évasif. Alors, faire le « portrait d’une ombre » ? Oui, faire signe non pas vers une image déjà visible, mais vers ce non-visible qui peu à peu se trame aux lisières du visible. Vers cette chose qui passe et vous laisse dans la bouche comme une voix silencieuse. Une voix qui parle, pourtant, qui parle, même si vous vous taisez. Ce que dit cette voix, vous n’en savez rien. Vous ne vous y reconnaissez pas ¬ vous vous y reconnaissez, peu importe. Il ne s’agit pas d’identité. Ou alors de cette identité obscure qui est une autre manière de dire qu’on ne sait rien. Qu’on est entre : entre ici et ailleurs, entre hier et demain, entre tout et rien. Entre, toujours, entre. Entre le jour, la nuit, ce qui vient, ce qui s’en va ¬ et qui revient toujours.
Jacques Ancet, extrait de Portrait d'une ombre, dans Les travaux de l’infime
// 4 nouvelles saisons
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